Bienvenue sur le blog de Soif de lire

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jeudi 31 mars 2011

Un joli moment de poésie ...


"Deux soeurs" de Michel Layaz

Des deux sœurs, nous ne saurons rien. Ni leur nom, ni les traits de leur visage, ni leur histoire – ou à peine. Juste qu’elles sont deux sœurs, et qu’après le départ de leur mère pour New York et l’internement de leur père dans un hôpital psychiatrique, elles se retrouvent seules. Seules sous la tutelle d’une assistante sociale qui tombe sous le charme des deux jeunes filles, et d’un amoureux qui voue sa vie à les satisfaire. Cette absence totale de détails concrets confère aux personnages une présence éthérée, mythologique, plus proche de la rêverie que de la réalité : "deux sœurs" semble détaché du monde, comme hors du temps. Le propos paraît parfois naïf, presque désuet dans sa manière de forcer le trait de l’innocence des deux soeurs et de raconter, de manière métaphorique, la pesanteur des codes de notre société, de la souffrance ou de la mort. Mais l’écriture pure, d’une finesse admirable, qui voit les mots rebondir, glisser les uns sur les autres au fil de listes interminables, suffit à éviter que l’écrivain suisse ne sombre dans la mièvrerie.
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jeudi 24 mars 2011

Un vrai coup de coeur BD ....


"Asterios Polyp" de David Mazzucchelli

Le livre a fait l’événement lors de sa parution aux Etats-Unis et pour cause.

Fils d’immigrant, Asterios Polyp est l’archétype du brillant universitaire américain de la côte est. Un intellectuel plein de charme et d’assurance, tour à tour cynique, séducteur ou arrogant. Mais le personnage social sophistiqué qu’Astérios s’est composé avec soin va voler en éclats par une nuit d’orage, alors qu’il vient d’avoir cinquante ans. Jeté à la rue par l’incendie accidentel de son appartement, Asterios bouleversé part au hasard d’un bus Greyhound, comme s’il larguait soudain les amarres de toute une vie…Une parenthèse ? Un nouveau départ ? Ou le début d’un sévère examen de conscience, ponctué du souvenir de ses amours et de ses échecs ?
Roman graphique impressionnant, Asterios Polyp est à la fois une attachante histoire humaine et une brillante construction intellectuelle.

Parmi les techniques utilisées par l'auteur, on note que chaque personnage est dessiné dans un style spécifique, qui traduit à la fois sa personnalité et ses sentiments propres, de telle manière que son écriture et sa représentation sont indissociables et en font un être à part entière. Les changements de couleurs et de matières pour accentuer les émotions de chaque personnage produisent un résultat fascinant et confère à l'ouvrage une densité hors du commun.
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mardi 22 mars 2011


"Charly 9" de Jean Teulé

pour lequel je vous propose la critique de Thierry Gandillot dans les "Echos" ....

"Il y a un style Jean Teulé, savoureux mélange d'uchronie (« reconstruction fictive de l'histoire, relatant les faits tels qu'ils auraient pu se produire », Larousse) et de diachronie (« caractère des phénomènes linguistiques considérés du point de vue de leur évolution dans le temps », ibid). Quand il s'empare d'un sujet, Teulé le passe à la moulinette de ses délires, qui sont amples, au hachoir de son style iconoclaste. Le sang comme les mots giclent, les os et les phrases cognent, les chairs comme des parcelles d'histoire finissent en lambeaux. Le lecteur en reste pantois.

Sujet : Charles IX, dit « Charly 9 » (on peut prononcer « nine » si l'on veut). L'avant-dernier des Valois a vingt-deux ans quand il monte sur le trône. A peine en place, il ordonne, dans la nuit du 23 au 24 août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy : 3.000 morts à Paris dont l'amiral Gaspard de Coligny, le chef des protestants, que « Charly 9 » appelait pourtant « mon père ». Tirés de leur lit, les huguenots sont poignardés, lacérés, noyés, brûlés, pendus, voire tout ça à la fois. Y compris les deux cents nobles qui résident au Louvre (où, super-traîtrise, ils ont assisté, quelques jours plus tôt, au mariage de la très catholique soeur du roi, Marguerite de Valois, et du prince protestant Henri de Navarre, futur « H4 »),

Mais le mouvement, qui aurait dû rester circonscrit à la noblesse, échappe à ses initiateurs. C'est la curée. Au total, entre 10.000 et 30.000 huguenots auront été trucidés dans le doux royaume de France entre août et octobre. Les historiens se disputent encore sur l'identité de ceux qui décidèrent de faire monter la pression autour des protestants avant de déclencher le massacre. Jean Teulé choisit de montrer un roi faible manipulé en son « conseil étroit » par sa mère, Catherine de Médicis, et son frère, le froufroutant Anjou. « Why not ? »

Face à l'horreur de son crime, Charly 9 cherche à fuir le réel dans la chasse ou le sexe, qu'il pratique, l'un et l'autre assidûment. Il multiplie les actes les plus déments, exterminant des lapins à la dague dans le boudoir de sa maîtresse, Marie Touchet, avant de l'honorer (pas moins de trois fois, dit-on), coursant la bête rousse dans les couloirs du Louvre, soufflant dans son cor à s'en époumoner. On l'aurait vu s'enfouissant dans la dépouille d'un cerf encore fumante pour échapper à ses devoirs, tel cet étrange oiseau coureur dessiné par le chirurgien Ambroise Paré (l'un des rares parpaillots à avoir échappé à la camarde), qui, face au danger, plonge sa tête dans le sable. Il lui arrive aussi de zigouiller sans prévenir son lévrier préféré avant de s'en faire des gants, de décapiter avec sauvagerie veaux, vaches, cochons, couvées, à un retour de chasse. Des fantasmes ensanglantés hallucinent ses nuits tandis qu'il se met lui-même à suer du sang par tous les pores de sa peau jusqu'à l'expectoration finale. Il aura trop sonné du cor, fut le diagnostic de Paré, selon Brantôme. On n'est pas forcé de le croire.


lundi 21 mars 2011

Une satire caustique mettant en parallèle les enjeux de l'humanité et les mesquineries intellectuelles !


"Solaire" de Ian Mc Ewan

Quinquagénaire désabusé, chauve et rondouillard, Michael Beard se repose sur ses lauriers depuis qu’il a reçu un prix Nobel de physique, et recycle les mêmes conférences qu’il se fait grassement payer. Il soutient sans trop y croire un projet gouvernemental à propos du réchauffement climatique. Lâche, narcissique et cynique, coureur de jupons invétéré, il a déjà plaqué quatre épouses et la cinquième a entamé une liaison avec un beau maçon. Le voilà dévoré par la jalousie. Bientôt, à la faveur d’un accident, il pense trouver le moyen de surmonter ses ennuis, relancer sa carrière, tout en sauvant la planète d’un désastre climatique. Il va repartir de par le monde, à commencer par le pôle Nord…
Tout en développant autour du personnage de Beard une satire des milieux scientifiques, l'auteur nous livre les aventures cocasses et les escroqueries intellectuelles et sentimentales de son héros !!!

Un petit bonheur de causticité !

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mercredi 16 mars 2011

PRIX DE L’HUMOUR NOIR 1981 !!!


"Crimes exemplaires" de Max Aub

Une oeuvre ciselée et unique !!!! Recueil d'une centaine de confessions d'assassins ...
Certains meurtriers sont guidés par le sentiment de justice, d'autres sont guidés par les caprices du destin -une association de mauvais moments, de mauvais lieux et de mauvaises rencontres- d'autres encore ont une incapacité chronique à traverser le quotidien dans la proximité de "l'autre" !!!!

Les "Crimes exemplaires" de Max Aub sont des pièges à humeurs rendant à la noirceur de l'Homme sa véritable nature : une boutade divine … un jouet du destin.

"Plutôt mourir ! Me dit-elle. Et dire que ce que je voulais par-dessus tout c’était lui faire plaisir."

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mardi 15 mars 2011

Lumineux !



"Les trois lumières" de Claire Keegan (à paraître le 7 avril 2011)

Dans la chaleur de l'été, un père conduit sa fille dans une ferme du Wexford, au fond de l'Irlande rurale. Bien qu'elle ait pour tout bagage les vêtements qu'elle porte, son séjour chez les Kinsella, des amis de ses parents, semble devoir durer. Sa mère est à nouveau enceinte, et il s'agit de la soulager jusqu'à l'arrivée du nouvel enfant.
Au fil des jours, puis des mois, la jeune narratrice apprivoise cet endroit singulier, où la végétation est étonnamment luxuriante, les bêtes grasses et les sources jaillissantes. Livrée à elle-même au milieu d'adultes qui ne la traitent pas comme une enfant, elle apprend à connaître ce couple de fermiers taciturnes qui pourtant l'entourent de leur bienveillance. Pour elle qui n'a connu que l'indifférence de ses parents dans une fratrie nombreuse, la vie prend une nouvelle dimension. Elle apprend à jouir du temps et de l'espace, et s'épanouit dans l'affection de cette nouvelle famille qui semble ne pas avoir de secrets. Certains détails malgré tout l'intriguent : les habits dont elle se voit affublée, la réaction de Mr Kinsella quand il les découvre sur elle, l'attitude de Mrs Kinsella lors de leurs rares sorties à la ville voisine...
Claire Keegan excelle à éveiller l'attention de son lecteur sur ces petites dissonances où transparaît le désarroi de ses personnages, en apparence si maîtres d'eux-mêmes. Explorant avec talent les failles du quotidien, elle brosse ici le portrait magnifique d'une enfant qui apprend à grandir entourée d'adultes mystérieux et d'une nature dont la beauté coupe le souffle.

lundi 14 mars 2011

SAMEDI 2 AVRIL DE 14H À 16H


Rencontre et mini-concert autour du Livre-disque
Weepers Circus à la Récré

Samedi 19 mars à 14h


Rencontre/dédicace d'Eric Kaija GUERRIER autour de son livre-disque
“LA TRAVERSÉE DE L'INTERVALLE – Aperçus fragmentaires de l’influence de la mystique rhénanique sur la franc-maçonnerie christique” (éditions Yves Meillier, Paris, septembre 2010)

vendredi 11 mars 2011

"Ce roman est un miracle" (Toni Morrison)


"Murambi, le livre des ossements" de Boubacar Boris Diop

C'est à la suite de sa participation, avec dix autres écrivains africains, au projet d’écriture sur le génocide au Rwanda : « Rwanda : écrire par devoir de mémoire », que Boubacar Boris Diop nous livre cette fiction.

Construit comme une enquête et un réquisitoire, avec une extraordinaire lucidité, ce très beau roman nous éclaire sur l'ultime génocide du XXème siècle. Avec une sobriété exemplaire, l'auteur expose les faits, ses rouages et ses ressorts cachés à travers quelques personnages en situation, avant, pendant et après le génocide. Jessica, la miraculée qui sait et comprend du fond de son engagement, Faustin Casana, membre des Interahamwe, le docteur Joseph Karekezi, notable hutu naguère modéré, qui organisa et coordonna le massacre de Murambi ; le colonel Etienne Périn, officier de l'armée française; Cornelius Karekezi qui, de retour au pays quatre ans après le drame, découvre l'épouvantable responsabilité de son père.

Boubacar Boris Diop nous interdit les faux-fuyants qui voudraient "folkloriser" les drames africains pour mieux les oublier. Avec rigueur et talent, il nous oblige à regarder en face la monstrueuse réalité.

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lundi 7 mars 2011

Retour d'Inde ...


"Shantaram" de Gregory David Roberts

Bombay, années 1980. Lin, un jeune homme recherché par toutes les polices parce qu'il s'est évadé d'un quartier de haute sécurité de Nouvelle-Zélande, plonge, après avoir rompu les attaches avec son passé, dans un monde inconnu et dangereux qui peut le détruire ou lui rendre sa dignité d'être humain.
Shantaram, c'est à la fois l'histoire d'un amour, celle de la belle et mystérieuse Karla, celle d'une ville - où se heurtent la misère des bidonvilles, l'argent, la prostitution, la violence mais aussi la fraternité -, celle enfin d'un gang mafieux tout-puissant dirigé par le redoutable Abdel Khader Khan, que Lin finira par aimer comme un père...
Roman d’aventures, d’amour, d’amitié, de guerres, roman de l’exil, Shantaram est l’histoire d’une rédemption, celle-là même de l’auteur. Ce qu’il va vivre dix ans durant fera de lui un homme revenu de tout, néanmoins habité par la paix, état suprême de la liberté.

Note de la lectrice : cela faisait longtemps que j'avais envie de lire ce roman et je m'étais promis de le lire en Inde ... Voilà qui est fait !

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Un roman d'une irrésistible drolerie !!!!


"La complainte du paresseux" de Sam Savage

C'est seul contre tous et dans une misère galopante qu'Andrew tente de maintenir à flot "Mousse", exigeante et néanmoins minable revue littéraire défricheuse de talents, tout en gérant les avanies locatives d'un petit immeuble. Nous sommes au fin fond de l'Amérique sous le règne de « la clique de Nixon », et il n'est pas aisé de soutenir l'avant-garde littéraire dans d'un pays qui patauge dans ses conservatismes, tout en réglant des problèmes de plomberie, de locataires «de basse qualité» et en affrontant les médisances d'un environnement provincial petit-bourgeois.

On tombe dans l'intimité d'Andrew, irrésistible et odieux personnage, raté rageur et menteur à travers son abondante correspondance : à son ex qui l'a quittée (qui l'en blâmerait ?), à ses vieux copains de fac devenus des écrivains célèbres et qu'il tente d'attirer comme invités vedettes d'un improbable festival, à des aspirants auteurs qui lui soumettent des textes et poèmes pour sa revue mais aussi à son banquier ou à ses locataires auxquels il réclame un loyer ou refuse une réparation, quand il n'emprunte pas l'identité de supposés supporters de son travail pour prendre sa propre défense dans le courrier des lecteurs de publications concurrentes.

Avec ce deuxième roman, Sam Savage s'impose comme un brillant débutant de soixante-dix ans qui enchaîne les morceaux de bravoure avec une aisance et une énergie époustouflantes.

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Erling Jepsen .... tome 2 !


"Sincères condoléances" de Erling Jepsen

Dans "L'art de pleurer en choeur", Allan, onze ans vouait une admiration sans bornes à son cher papa, qui n'était autre qu'un homme autoritaire et dépressif. Erling Jepsen nous offrait un roman puissant, aussi abouti que perturbant, qui n’était pas sans évoquer le propos et l’ambiance du superbe film Festen réalisé par Thomas Vinterberg en 1998.

Dans ce deuxième volet, Allan apprend la mort de son père. Devenu un auteur à succès, il n'a de cesse, dans ses pièces de théâtre, d'étaler au grand jour les secrets et les turpitudes de son enfance. Allan retourne au pays natal chez sa mère. Il est accompagné de sa sœur, restée traumatisée par le cauchemar familial et toujours sous antidépresseurs, pour définitivement tirer un trait sur ce passé.
Pour notre plus grand bonheur, la folie familiale se porte toujours aussi bien !!! Partagé entre ravissement honteux et inconfort, le lecteur se demande encore s’il doit rire ou pleurer....

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